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13 janvier 2011 4 13 /01 /janvier /2011 17:41

 

2.       Le web du vin est un vaste monde tout petit : portrait à la louche

 

Une question, me taraude les synapses depuis le début de ma passion (20 ans ma bonne dame !).

 Le terroir… Cette fameuse gueule que doit avoir le produit authentique qui vient de là-bas ? C’est quoi comment qu’on le reconnait-on dis donc ? Bref, peut-on reconnaitre, infailliblement, invariablement, à l’aveugle, ce fameux terroir dans un vin ? Probablement ai-je trop regardé "l’aile ou la cuisse" étant petit.

  chenin Mt Louis

Et de ce côté-là, les livres et les guides que je connaissais par cœur à force de les lire aux chiottes, cet ultime rempart de la tranquillité bibliophile du jeune papa impliqué, me laissaient un peu sur ma faim. Alors comme tout trentenaire du 21 siècle qui se respecte, j’ai tenté un jour d’étancher ma curiosité sur le net. Et là, j’ai découvert tout un monde foisonnant de sites, blogs et autres forums. Un monde assez réjouissant de diversité. Et cela fait 5 ans que je traîne sur les sites webs vineux, les deux grands forums francophones continentaux d’abord, les blogs ensuite et depuis peu les profils de derrières caprins.

Si ma faim de réponses reste grande, j’ai découvert un monde étonnant d’amateurs éclairés ou non, rigolos ou non, sympas ou non. Et plus, j’ai découvert que dans le monde du vin comme dans tous les mondes, le génie de l’Homme avait érigé quantité de chapelles. Toutes sortes de chapelles, calvaires et autres potales.

Des hédonistes romantiques, des naturistes vindicatifs, des biodynamistes vibratoires, des minéralogistes de fond, des acidophiles acidulés, des épicuriens sinon le plaisir, des croisés du bannissement du sucre, des huns de la rondeur facile, des adversaires du maquillage forestier, des rationalistes convaincus, des archéodégustateurs libéraux amateurs de coquilles sur la tête… Bref de tout. Mais surtout, je rencontrai des points de vue et des approches du vin totalement différentes voire opposées à la mienne. Et ça c’est enrichissant, parce que cela nourrit l’essentiel de ce qui devrait faire un "honnête homme" : le doute !

grappe chasselas chez moi 1

Cette foule bigarrée se donne pour autoethnonyme le générique "d’amateurs-hédonistes-humbles-passionnés-authentiques-qui-paient-eux-mêmes-les-bouteilles- qu’ils-commentent". Enfin en gros quoi.

Evidemment,  à côté de ces amateurs-hédonistes-etc, je découvrais également une faune plus ou moins assumée de professionnels, semi-professionnels ou gens qui touchaient sérieusement à la chose (et Dieu qu’ils avaient bon !).

Des critiques pointus, des vignerons ronds (et des vigneronnes girondes), des sommeliers anguleux, des cavistes carrés, des membres-très-connus-de-clubs-très-respectables, des vignerons-blogueurs issus du corps professoral, des journalistes bougons. Il y a même John Malkovich qui écrit sur le vin !

Faune plus ou moins assumée car il faut aussi mentionner dans notre bestiaire la gent moins glorieuse des cryptocavistes ambidextres qui écrivent à quatre mains (les lpviens verront de quoi je veux parler), des poètes incompris dont la prose ombrageuse noircit des propos obscurs, et mêmes des Docteurs "Horroris cauda" de l’esbroufe circonlocutionnelle.

Un petit monde avec la main sur le cœur, cultivant l’humilité et le respect, car le vin dans sa complexité apprend à rester simple, humble. Remets-moi donc une lichette de Haut-Brion que je taste sa minéralité, Roger.

liquoreux 2

Cependant, pour que la lumière brille, il faut des ombres à faire reculer. Et au génie bâtisseur de chapelles de l’homme s’oppose l’imbécilité de vouloir les défendre à tout prix, même celui de la perfidie.

Et aux croix d’occis à défendre, il faut ajouter les copinages, les amitiés sincères et le sourire enjôleur de ceux qui ont quelque chose à vendre sans l'avouer. Parce qu’amateurs purs ou pas, il y a du grisbi qui circule dans le monde webo-vinesque. Il y a des enjeux mes preux et aussi des ego et aussi de la mauvaise foi, de l’humain quoi.

Et régulièrement d’une chapelle à l’autre on s’adresse petites phrases assassines, jugements à l’emporte-pièces, fatwas irrévocables… et le verre tremblote de plus belle (voir l’image du tyrannosaure avant -hier).

Picrocholin (qui, en terme d’expression passe-partout est au web vin ce que révolution copernicienne est à la politique belge) et bien mesquin. Banal.

Mais c’est un peu comme le caillou dans la chaussure : aussi insignifiant soit-il, au bout de 10 km, il agace.

En vrai, le vin a beau n’être que fête, humilité et partage, on s’oppose, on campe sur ses positions, comme pour n’importe quel autre sujet. On trace des limites et on se retranche loin dans son idéal. En  dichotomisant, on se place, on se distingue. Souvent, si vous n’êtes pas « pro » vous êtes forcément « anti ». Que les ventres mous qui expriment leurs doutes aillent en enfer.

 

Et c’est ainsi que vous vous devez d’être :

Un Naturophile vibratoire OU un infâme gargotier chimiste.

Un adorateur friqué d’étiquette OU un ignoble gauchiste iconoclaste.

Un mou du bulbe adorateur de coca OU un chantre lettré de la fine acidité minéralogique.

Un professionnel sage et docte OU un galeux amateur à grande gueule.

Un vigneron bidouilleur OU un pur apôtre naturiste.

Et la dernière en date, un pochtron sympathique et audiardisé (doit avoir des copyrights, mais bon) OU un ponte sérieux qui s’autorise des avis éclairés.

 

Avouez que dans ces conditions, il est difficile d’être juste un gars qui s’ouvre une bonne bouteille et se la descend. Avouez que dans ces conditions, le débat se transforme souvent en siège. Et le débat de siège, je laisse ça à Rika.

Et de voir les chapelains nous parler d’une main d’humilité, de joie et de partage tout en nous signifiant fermement de l’autre main, que leurs certitudes sont les bonnes, les vraies, que c’est pas pour nous, qu’on est des bouffons, qu’il n’y a qu’une vérité, la leur.

Que le bio c’est mieux que tout ou que le bio, c’est de la merde, que les ondes et la minéralité, il n’y a que ça de vrai, qu’hormis Bordeaux et la Bourgogne rien ne mérite la grandeur, enfin tout dépend de la chapelle.

Et de leur troisième main (la pire parce qu’on ne l’attend pas) certains chapelains nous inondent de leur prose sentencieuse, introduite, ampoulée, intimidante pour définitivement persuader les besogneux que le bon glouglou, c’est pas pour eux.

Car en vérité je vous le dis, moi ce que je trouve à chier dans cette vinosphère internet, ce sont  ceux qui se prennent au sérieux.

P7130047

En 2010, surfer sur le net, à de belles exceptions près heureusement, sur les blogs vineux et sur les forums, m’a parfois donné l’impression que le bien vivre, le bien boire, le bien manger, c’était pas pour moi. Pas pour les "pauvres", pas pour monsieur tout le monde, pas pour les rigolos.

Le bon vin, c’est compliqué, cher, compassé (même pour les idiots de demain), horriblement chichiteux et serré du cul . Que les petits cons laissent travailler les grandes personnes sérieuses.

Et donc, en 2010, il a été rappelé plusieurs fois aux jeunes décérébrés non introduits  et pas autorisés qui font frissonner le web en général et la blogosphère en particulier, que le vin était une chose très sérieuse, si possible réservée à des gens avec bagage et valises sous les yeux. Exit ces petits amateurs qui écrivent peut-être mal et sans recul mais qui font enfin sortir le vin et le bien boire en général de son carcan maniéré et poussiéreux réservé aux cadres, aux arrivés et aux introduits divers.

Ca me déprime. Et si je ne m’intéressais que de loin au vin, il est probable que toute cette docte prose m’en éloignât encore.

On peut râler contre l’indigence de certains écrits sur le vin. Moi ce qui me titille, c’est la masse de choses hallucinantes de sérieux ridicule, de savoir autoproclamé, de certitude définitivement hasardeuse, de hautaine suffisance qui sont souvent écrites sur les forums francophones et les blogs qui parlent de vin. Par des amateurs comme par des pro.

La floraison de rigolos et de zigotos parlant de vin sur la toile me réjouit : des mecs d’un âge certain qui fument le cigare, des nounours barbus, de jeunes et jolies filles, des informaticiens et même des pharmaciens suisses. Et cela aux côtés des increvables, jurassiens et naturellement pétillant  (Sûr que ça fera plaisir à l’intéressé) ou journalistes français soignant leur belgitude. Des mecs qui ont le vin festif, simple, décomplexé, parfois râleur. Une pétulance réjouissante qui montre que le bon vin n’est pas forcément cher, compliqué et réservé à des types très cultivés en costard cravate qui dissertent , la mine grave et entendue, pour savoir si dans la partie est du cru de machin truc, c’est la minéralité du sol vivant ou la race du cru de ma sœur qui domine.

Je ne suis pas sûr du tout que la catégorie des sérieux "élargisse le domaine du vin". Ils sont des sources inépuisables d’information, que je consulte et que je bénis mais quand on n’est pas passionné, qu’on débute… il faut autre chose. Les gugusses sont là pour ça.

De plus, le monde diversifié de la toile vineuse devrait se serrer les coudes et appliquer à la lettre les principes de partage et d’humilité revendiqués. Au lieu de se demander qui écrit bien, qui écrit mal ou s’il faut dire oenoblogs ou bloglouglou.

Parce que pendant ce temps-là, les salauds, les vrais, les annihilateurs, non pas de la liberté de penser mais de l’envie de penser, ils bossent. Tous dans la même direction. Ils sont nombreux. Il y a les prohibitionnistes, les hygiénistes, les végétaliens, les alicamentistes, les enragés climatiques. Pfiou, ça se bouscule au portillon.

Non pas que ces gens là oeuvrent forcément ensemble, ni qu’il s’agisse d’un complot organisé. Non. C’est bien là le pire. Tous ces gens-là reflètent juste notre époque. Ils dérivent sur l’air du temps. On ne peut même pas leur en vouloir.

C’est plutôt au ramassis de veaux qui écoutent qu’il faut en vouloir, nous en l’occurrence. Tas de gnous qui voulons être rassurés, qui voulons avoir des chiffres, des certitudes : le nombre de portions de légumes par jour, la quantité de polyphénols actifs dans un vin, le nombre de verres journaliers au-delà desquels on attrape un cancer du larynx ou une luxation du coude.

On veut des pourcentages de risques qu’on ne comprend pas.

On veut des degrés de réchauffement de la planète dont on ne sait que faire et qu’on oublie au moindre hiver frais.

On veut des volumes de gaz émis par les flatulences vaches des ruminants.

On veut des étiquettes, des traces, des papiers et des certitudes quant aux risques de boire du lait cru, d’acheter une maison en bord de rivière, de manger un fruit pas bio, de faire des enfants…

Une époque où on ne veut plus attendre, où on ne peut plus ne pas savoir, ne pas voir. Il faut des résultats, des chiffres, des assurances, du risque zéro et tout de suite encore… Alors faut que ça bouge, faut que ça interdise, faut que ça prohibe.

Un peu d’insécurité ? On expulse les Roms. Des illégaux en masse en Grèce ? On construit une clôture. Des risques avec la fièvre Q pour les enfants en Belgique ? On interdirait bien le lait cru. L’alcool est un poison, emmerdons tous ceux qui font un produit contenant de l’alcool d’Heineken et Martini au petit vigneron sur son terroir. Et bien d’autres encore… C’est tout de même plus facile de s’asseoir sur des certitudes simplistes que de se perdre dans l’océan du doute non ?

Photo 032

Alors chaque fois que je vois les doux dingues qui osent encore aimer et crier leur amour pour une chose aussi maléfique que le pinard se vautrer dans l’acerbe, j’ai envie de crier Sarajevo !

C’est une image de nonchalance, de bien-vivre, d’humour, de douceur de vivre qui devrait crever l’écran. Chaque fois que les mesquineries, les rancoeurs, les idées préconçues prennent le dessus, les "autres" marquent des points.

J’exagère ? Hé les mecs, c’est la guerre là-dehors. La guerre contre l’air du temps, le temps qui court vite, la guerre contre les habitudes. La guerre d’un monde vineux, d’un monde du bien vivre qui s’écroule malgré les subsides, qui ne séduit plus ni les "masses" ni les jeunes. J’exagère ? Demandez-donc à ce vigneron qui a décidé d’arrêter, Olivier B. Et à tous les autres qui ne le disent pas.

Un de mes souhaits les plus fervents pour 2011, c’est que les gugusses festifs et les autres continuent dans la diversité de leurs goûts et de leurs plumes (du littéraire véritable au langage texto) à mettre le bon vin à la portée d’un peu plus de monde. A faire sortir le bon vin du monde du vin. Peu importe qu’ils écrivent bien ou mal, qu’ils vidéotent, qu’ils poétisent, qu’ils me plaisent ou me donnent de l’urticaire. La diversité des rédacteurs ne peut amener que la diversité des publics. et s'ils me cassent les pieds, qu'ils écrivent de plus belle. J'aurai la satisfaction de pouvoir râler dans mon coin.

Le bon vin, celui que les vignerons façonnent et que les amateurs dégustent, est fête, amour, tristesse, sueur, beauté, miracle, plaisir, émotion, larmes, déception… Mais le bon vin n’est pas sérieux.

En 2011, sérieux et imbéciles, vrais gourous et tigres de papier, pochtron et terroiristes pointus, donnons nous la main et comme de petites fourmis insignifiantes mais unies (et c’est un Belge qui vous le dit) distillons notre message si simple : Assieds-toi, goûte ça et arrête de courir deux secondes : la vie est belle !

Et de manière plus générale j’ai un souhait pour 2011 : que le bien vivre fasse un peu reculer la malbouffe, la merde à manger toute prête et faussement bon marché.

Mais j’oubliais, en 2011, on va travailler plus pour gagner moins, du coup on aura encore moins d’argent et de temps à consacrer à la nourriture, au plaisir de s’asseoir tous à table en famille et de parler pendant qu’il en est encore temps, de rire et de regarder le soleil se coucher, encore moins de temps pour s’arrêter et se dire que la vie est belle et qu’il faudrait qu'elle dure plutôt que de se durcir. Du coup, plutôt que d’acheter de bons produits de base sains et gouteux à moyennement cher, on prendra des trucs préparés avec un air de pas cher et facile. Et on entendra pleins de cadres sympas nous vanter les mérites de Daily traiteur à la radio. Et puis on boira de l’eau. L’eau c’est fort, ça porte les bateaux.

Bambi et les bisounours ? Peut-être. Je ne suis pas sûr qu’ils aiment le vin cependant. Et puis Bambi Bisounours, ça fait B.B. comme initiales. Même si vous n’êtes pas des ânes, je ferais gaffe à votre place…

Mais bon, de toute façon dans une heure l’internaute aura tout oublié…

PS : Aux chroniqueurs, journalistes, blogueurs, même jurassiens qui se seraient reconnus dans mes fines (???) allusions, surtout ne m'en veuillez pas : c'est ma façon de complimenter.

 

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commentaires

M
<br /> <br /> Rien à rajouter cher Rustre .. même si j'ai parfois eu l'impression de me sentir visé. Bref, tu as tout résumé. Et je<br /> reprends une de tes phrases clés :  C’est tout de même plus facile<br /> de s’asseoir sur des certitudes simplistes que de se perdre dans l’océan du doute non ?<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Que d'honneur pour ce clic sur John Malkovitch jusqu'ici il n'y avait que les filles qui m'avaient fait le coup Vive la légèreté !<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Wouaw ! Jacques Berthomeau qui laisse un commentaire sur mon blog !<br /> <br /> <br /> L'honneur est pour moi !<br /> <br /> <br /> Pour Johne malkovich, ce doit être ma part de féminité qui s'exprime.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Jolis mots dits que ceux là.<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> C'est beau, c'est vrai, c'est sincère, c'est libre, c'est bien quoi ! Et puis ce qui est interessant finalement, c'est qu'il n'y a pas de vérité ; Mais tout ce qui est passionnel ammène au débat,<br /> et au fond, rien de tel qu'un bon débat autour d'une bonne bouteille (minimum).<br /> <br /> <br /> Mais qu'est ce qu'une bonne bouteille ? : )<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Un vin qui a "sa race du cru de ma sœur qui domine" : celui-là je vais le chercher longtemps. <br /> <br /> <br /> Merci pour cette ode à la diversité même si je fais partie des vilains marchands pour certains ...<br /> <br /> <br /> <br />
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