Amis jardiniers, amoureux du potager, adeptes du semis, lunaire ou pas, bonjour ou bonsoir, c’est selon.
Vous le savez tous, une des plaies majeures de nos plates-bandes, des pelouses où s’ébattent nos bambins pleins de vie et d’espoir en des jours meilleurs qui pourtant ne viendront peut-être pas, un des fléaux principaux de nos semis fraichement effectués dans la terre nourricière enfin rendue amoureuse par les ardents rayons de l’astre du jour, dans la douce poésie d’un matin printanier bruissant de la ferveur aviaire, du mélodieux hymne à la vie de nos délicats amis à plumes…
Une des causes principales du juste courroux du jardinier amateur meurtri dans sa chair… ce sont ces saloperies de chats, ces foutus immondices velus qui chient partout, empuantent nos légumes de leurs projections nauséabondes, retournent nos semis de leurs griffes et de leur panse paresseuse de pourris parasites de l’humanité. Sus mes preux, taillons dans la viande, brisons les os, fendons les crânes, éviscérons gaiement. La gent féline doit payer.
Hum… excusez mon emportement soudain. Cela ne sied pas à un texte qui se veut purement didactique. Reprenons le propos, si vous le voulez bien, sur le ton docte et serein qui convient.
Je vais vous expliquer aujourd’hui une solution miraculeuse, quasi divine, pour éloigner de nos jardins efficacement, à peu de frais, sans dommages collatéraux ni folie meurtrière de nos chers amis félins. Il s’agit de la TREMPE !
Cette méthode demande juste l’obtention d’un piège à fouine (voir photo) muni de poignées, d’un peu de kit et kat (ou de sheba pour les chats gourmets), de gants en cuir épais, d’un poste de radio-diffusion mobile et muni de piles (chargées), d’un peu de musique violente et tonitruante, de vêtements voyants, d’un sabre et, le plus important…
D’une bassine d’eau…
Plus grande que le piège….
Pardon ? Mais non voyons, je ne suis pas un « sadique ».
Reprenons.
Le déroulement des opérations est d’une simplicité confinant au flamingantisme, d’une sobriété approchant le carrément désertique, voire le dépouillé.
Après avoir repéré un lieu de passage préférentiel d’un de nos amis de la gent féline (un gros crapuleux marcou de préférence), déposez à cet endroit le piège, garni de kit et kat (ou même de whiskas, ne soyons pas sectaires que diable mes preux).
Tapissez vous, tel le fauve guettant sa proie, au coucher du soleil, qui darde de ses rayons pourpres le point d’eau perdu au milieu des hautes herbes ocres d’une savane africaine et néanmoins riche et joyeuse. Putain qu’c’est beau Germaine. Bref…
Le chat approche, renifle la nourriture offerte à ses désirs et, cédant à sa veulerie toute féline, pénètre dans le piège qui, brusquement autant qu’inexorablement, se referme sur sa misérable carcasse de fienteur pelé. Le sort se referme sur lui, il est fait comme un rat, ce qui pour un chat est déjà un beau châtiment. S’en est fait de sa rouerie, le fourbe.
C’est alors que vous surgissez de votre retraite, arborant un rictus dément, hurlant comme une bête. Tel Stéphanie de Monaco ou un ouragan, vous fondez sur votre proie.
Suspens, car c’est ici qu’une importante parenthèse doit être ouverte. Préalablement à votre machination, vous aurez pris soin de disposer à portée raisonnable votre appareil de diffusion musicale sur piles. Au moment même où le piège se referme sur l’ennemi, ayant pris soin de tourner le curseur de volume sur la position « à fond », vous lancez la musique. Pas n’importe laquelle. Quelque chose de raffiné. Du Sepultura ou « thunderstruck » du groupe AC/DC peuvent convenir. Personnellement j’ai un penchant dans ce genre de situation (mais dans ce genre là uniquement) pour la musique teutonne incitant au massacre aveugle mais salvateur. La Charge des Walkyries est une sorte de maître achat pour la circonstance.
Autre parenthèse, vous aurez également pris soin de revêtir pour l’occasion ce qu’il est convenu d’appeler votre habit de lumière. Un déguisement de superman, un uniforme de la SS peuvent convenir, une tenue de danseur de la troupe à Béjart aussi, mais moins. Là aussi, mon penchant personnel me pousse vers un uniforme de la cavalerie états-unienne de la guerre de sécession avec le grand chapeau, le sabre brillant et tout le toutim ou bien celui d’un cuirassier napoléonien, ça a beaucoup d’effet, mais pour la planque dans la savane, le casque, c’est un peu chaud.
Revenons à nos moutons, enfin à nos chats (vous soulignerez la finesse de mon humour) et résumons-nous mes braves. La veule créature prise au piège, vous balancez la sauce à fond, vous surgissez dans votre habit de lumière en roulant des yeux et
Soit en poussant des hurlements rauques et gutturaux
Soit en éructant un truc bien senti du genre « ça va être ta fête enculé », « Montjoie, Saint Denis » ou encore « Morts aux Flamands »
Soit en faisant les deux
Vous fondez sur l’animal telle la justice divine sur le peuple égyptien.
Tout en continuant à gueuler comme un forcené, les yeux injectés de folie et de sang, vous attrapez le piège et vous le trempez dans la bassine d’eau. Attention ! des trempages courts et répétés doivent être préférés à une seule plongée de dix minutes. Il ne s’agit pas d’être taxé de barbarie par les chochotes de Gaïa ou l’engeance végétalienne de PETA mais juste de donner une leçon méritée et définitive à l’ennemi, leçon assénée avec pédagogie, calme et dignité. M’enfin, c’est vous qui voyez après tout. Si par malheur, dans la générosité de votre élan civilisateur et purificateur, il arrivait un accident, le chat, après séchage, s’accommode bien, paraît-il, d’une sauce chasseur. Un vin puissant mais fin (un cru de Gevrey par exemple) accompagnera parfaitement ce met longuement mijoté. Invitez vos voisins ou les propriétaires de l’animal (le papa et la maman de la bête) au festin, ils n’en feront que plus facilement leur deuil.
Cependant, si tout se passe bien, après cinq à dix minutes de bains répétés, coupez la musique. Si possible, arrêtez de hurler comme un dingue et déposez le piège à la sortie de votre propriété. Libérez le matou. Il fuira sans demander son reste, le couard. S’il se rebellait ou même s’il ne fuyait pas assez vite, prenez soin d’avoir à disposition une bonne pelle. Un grand coup sur la gueule de ce prétentieux récalcitrant et le tour est joué. La sauce chasseur l’attend !
Normalement, après la capture de quelques chats, vous pourrez ranger votre piège. La simple diffusion, dans les 100-120 dB de votre « musique rituelle » (Wagner dans mon cas) de façon aléatoire, de nuit ou au petit matin suffira à faire fuir les félins. Pour renforcer encore plus le réflexe d’évitement des chats, vous ferez régulièrement le tour de votre jardin dans votre tenue de combat, le sabre au clair, en criant à tue-tête votre « cri de guerre ». Vous pouvez reprendre en même temps a capella votre musique fétiche.
Cette méthode, terriblement efficace, comporte cependant quelques inconvénients que je me dois d’aborder. Tout d’abord, un grand jardin entouré de haies hautes est préférable pour exercer ce processus à un jardinet clôturé et visible de la rue. Allez savoir pourquoi. La diffusion régulière, à fond les manettes de la charge des Walkyries à pas d’heure dans votre jardin, le fait de vous y voir déambuler en uniforme de cavalerie nordiste, brandissant un sabre et chantant à tue-tête
« ta ta ta taaaa taaa ta ta ta ta taaa taaa ta» (1) « Montjoie, Saint Denis » risque bien d’incommoder légèrement votre voisinage bourgeois, bien-pensant et un peu serré du cul, il faut le dire.
Rassurez-vous, je vous donnerai bientôt des recettes tout aussi simples et efficaces pour vous débarrasser de deux autres plaies de notre temps : les psy et les voisins !
FIN
GENERIQUE (les Walkyries évidemment)
AVERTISSEMENT : Lors de la réalisation de ce petit sketche aucun animal ni aucune conserve pour chats n’ont été maltraitées. Toutes les scènes d’action ont été réalisées en images de synthèse. Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé ne serait que fort cuite. C’est de l’humour. J’aime les chats. Seigneur soyez bon. La consommation d’alcool est dangereuse pour la santé. Boire nuit. Picolez donc de jour… Ca va j’ai rien oublié ? Ah si ! Ceci est une fiction, nous déconseillons formellement aux petits et grands enfants de tenter la même expérience chez eux.
L'auteur tient à remercier pour leur influence le docteur G, P. Desproges et Bouli Lanners (pour la tenue de danse)...
Et pour ceux qui voudraient quelque chose de pire encore, retrouvez la suite des aventures de l'ignoble chasseur de chats ici :
(1) : Le visionnement de ce moment d'anthologie me fait penser que l'utilisation d'un clairon pourrait améliorer la méthode... l'hélico par contre...